Genre et route

Extrait du rapport final du Projet ASA Soa exécuté par l’ONG Lalana
Le Programme de Réhabilitation des Infrastructures Routières et d’Entretien Routier (8.ACP.MAG 030) a pris en compte les aspects socioculturels et de genre comme l’un des facteurs devant assurer la viabilité des réalisations et la préservation de la route par la population riveraine, en tant que patrimoine collectif. Pour ce faire, le programme routier 8ème FED a alloué une enveloppe correspondant à 2% du coût des travaux, soit 900 000 EURO, pour l’identification et la mise en œuvre d’un programme d’actions sociales en faveur de la population directement concernée par la réalisation des travaux routiers. Le Ministère des Transports des Travaux Publics et de l'Aménagement du Territoire a fait appel aux ONG ayant des expériences dans la sensibilisation, mobilisation sociale et structuration communautaire pour identifier et mettre en œuvre un programme d’actions sociales en faveur de la population directement concernée par la réalisation des travaux entretiens périodiques de certains tronçons de l'axe RN 2, RN 4 et RN 7.

Après un processus de sélection, l'ONG Lalana a été sélectionnée pour l’étude et la mise en œuvre du programme d’actions sociales en accompagnement au programme routier 8 MAG 030 sur le lot ONG/3 : RN2 de Brickaville à Toamasina.

La mission de l’ONG Lalana dans le cadre de ce contrat consistait globalement à :

Effectuer les études socio-économiques et de genre dans la zone d’implantation du projet ;
Identifier les actions sociales à mener en accompagnement aux travaux routiers ;
Etablir et gérer les devis programme pour la mise en œuvre des actions sociales d’accompagnement.
Etudes Socio- Economique et de Genre (ESEG)
Les études socio-économiques et de genre consistaient en un préalable aux actions sociales d’accompagnement. Elles ont permis de faire ressortir les problèmes à résoudre en relation avec la route nationale et les sensibilités en genre.
Les études ont été menées sous forme d’investigations sur terrain à travers des enquêtes, des focus group et des réunions avec les autorités ainsi que les services techniques et administratifs régionaux.
La zone d’étude a été divisée en trois zones qui ont fait chacune l’objet d’un rapport séparé :

Zone urbaine concernant la ville de Toamasina (tronçon d’accès au port),
Zone rurale située entre Brickaville et Toamasina,
Zone semi-urbaine concernant la localité de Brickaville et ses environs.
La cellule FORMFED – IGED a apporté son appui pendant la réalisation de ces études, notamment pour l’initiation en genre de l’équipe d’enquête, l’établissement des fiches d’enquête, et l’analyse des résultats.

Les problèmes à résoudre
Des actions involontaires entreprises par les riverains et les usagers de la route nationale peuvent entraîner la destruction du tronçon de la RN 2 de Brickaville à Toamasina due à l'ignorance de la technicité des routes.
Les résultats des ESEG ont amené l’équipe du projet à cibler en priorité les femmes chef de ménage commerçantes, les hommes transporteurs et les autorités pour les activités. Les problèmes énumérés par toutes les parties prenantes au cours des ESEG ont surtout porté sur les points suivants :

Occupation des emprises
Ce problème est dû à l'ignorance et au non-respect des lois régissant les routes, au laxisme des autorités concernées et surtout à la pauvreté des riverains. L'environnement social et économique ne permet pas de générer des revenus suffisants pour les ménages car les femmes sont trop occupées par les soins de la famille et n'ont pas de temps pour les activités productrices. Aussi la population riveraine du tronçon de la RN 2 de Brickaville à Toamasina est attirée par les activités liées au trafic routier.
Cet environnement social et économique entraîne surtout le développement des petits commerces et de la prostitution le long de la route. Des constructions ont été faites aux abords immédiats de la chaussée, et parfois, les accotements se confondent même aux paliers de certaines maisons. Et même au niveau des marchés, les infrastructures et les emplacements prévus à ne suffisent plus à contenir tous les marchands.

Non-respect du code de la route
Les accidents fréquents rencontrés sur le tronçon RN 2 de Brickaville à Toamasina effrayent les riverains et les usagers de la route. Certains parents d'élèves riverains de la route hésitent à envoyer leurs enfants à l'école de peur d'être écrasés par les véhicules qui ne respectent pas la limitation de vitesse aux traversées des villages. Même les professionnels de la route se sentent concernés par ce problème de sécurité et évoquent le non-respect du code de la route comme la principale cause des accidents.

Stationnements dangereux
La plupart des professionnels et des usagers font des arrêts fréquents entre Brickaville et Toamasina dans les villages où les activités économiques sont intenses (marché, lieu de restauration, points d'évacuation des cultures de rente, etc.) ou les produits commercialisés attirent les usagers de la route. Vu l'étroitesse de la RN 2, les véhicules qui se garent au niveau de ces villages occupent la moitié de la route et provoquent ainsi des embouteillages. Ce problème de stationnement augmente la durée du trajet et le risque d'accidents.

Destruction de l'environnement physique
Plus de 200 points d'éboulement constatés à la fin de la saison de pluies 2001 – 2002, avaient entraîné la coupure de la RN 2 de Brickaville à Toamasina. Ces éboulements sont dus à la dégradation et au manque d'entretien des bassins versants au voisinage immédiat de la route. Les riverains sont en partie responsables de cette dégradation en raison de leur mode de culture par tavy des feux de brousses ainsi que de l'exploitation des forêts pour la production de charbon et de bois de chauffe.
Par ailleurs, la défaillance du système de gestion des déchets ménagers dans la ville de Toamasina entraîne le débordement des bacs à ordures et l’apparition de décharges sauvages le long de la route nationale. Une partie seulement des déchets quotidiens de la ville peut être enlevée car il n’y a que 21 points de collectes pour toute la ville (soit 1 point de collecte pour 10.000 habitants). La commune ne dispose pas non plus d’aucun site officiel, permanent et approprié utilisé comme décharge publique et les entreprises qui collectaient les ordures les déchargeaient le long de la RN 2 à la sortie de la ville.

Eau et hygiène
Même dans la ville de Toamasina, la population souffre du manque d’infrastructures d’hygiène et d’équipements sociocollectifs (pas ou peu de bacs à ordures, inexistence de toilettes publiques) et seule une partie de la population a accès à l’eau potable. Cette situation encourage l’utilisation des puits dont la qualité de l’eau laisse à désirer. Les maladies liées à l’eau prolifèrent au niveau des populations défavorisées. Les femmes à la charge de la grande partie des tâches reproductives sont les plus touchées par cette situation, et deviennent moins productives.

Education
Malgré le fait que la RN2 figure parmi les routes les plus fréquentées de Madagascar, la situation scolaire est désolant en zone rurale sur le tronçon étudié. Certaines écoles n’ont plus d’enseignants, les bâtiments dont certains sont construits par les fokonolona en matériaux locaux, sont dans un état de délabrement avancé. Les écoliers doivent faire de longs trajets à pieds sur la route nationale pour rejoindre leurs écoles. Des parents d’élèves ont construit leur propre école pour éviter cette situation, et paient eux-mêmes les enseignants. Pour le cas de l’école à Ampasimadinika Manambolo, une grande partie des élèves doit traverser à gué une rivière, et ne peut rejoindre l’école à chaque montée des eaux.

IST / SIDA
La zone d’intervention du projet est caractérisée par un nombre élevé de femmes chef de ménage, à faible niveau d’instruction. La plupart d’entre elles survivent en pratiquant 2 ou plusieurs activités, dans le petit commerce, journalières agricole, artisanat. Certaines optent pour la solution la plus facile de la prostitution ouverte ou sous une forme moins explicite.
La précarité économique de ces femmes chefs de ménage les met en condition de vulnérabilité face aux maladies sexuellement transmissibles et au SIDA, aggravé par l’éloignement des centres de santé et le manque d’information sur la contraception.

Les résultats attendus
A l’issue des ESEG, en considérant les problèmes à résoudre, et après les réunions de validation effectuées auprès des bénéficiaires, les résultats que le projet s’est fixé à atteindre sont les suivants :

Résultat 1 : Amélioration de la préservation de la route par les riverains et les usagers.
Résultat 2 : Renforcement de la sécurité routière.
Résultat 3 : Amélioration de l’accès aux services sociaux des riverains.
Résultat 4 : Amélioration de l'environnement économique des riverains.
Résultat 5 : Renforcement des capacités économiques des groupes touchés par le projet routier et des défavorisés.
Résultat 6 : Contribution des riverains à la protection de l'environnement physique de la route.
Le projet estime que ces résultats vont faciliter l’appropriation et la préservation du patrimoine collectif routier par les populations riveraines et les usagers directs ainsi que les professionnels de la route.
Les impacts du projet
L'intégration du genre au cours des études et dans la phase de mise en œuvre du programme d'actions sociales a permis de mieux cerner les problèmes et les besoins de chaque groupe concerné par la route. La satisfaction en partie des besoins identifiés et l'atténuation de ces problèmes à travers les activités faites par le projet ont permis d'impliquer davantage chaque groupe à contribuer à la préservation du patrimoine routier et de ne plus être un agent nocif aux infrastructures routières.

La mise en œuvre du projet a permis de donner un élan aux autorités locales de reconsidérer et de faire appliquer auprès de ses administrés les textes et les lois sur les emprises de la route. Il a été constaté que la non application de ces lois a créé des désordres sur le plan d’urbanisme tant en milieu urbain qu’en milieu rural et entraînant ainsi le destruction rapide des infrastructures routières et de l’environnement.

Les actions d’animation et de sensibilisation menées par le projet ont aidé les communes à prendre leur responsabilité pour faire déguerpir les riverains qui occupent illicitement les emprises de la route. Afin d’éviter la répétition de cette occupation illicite, des arrêtés communaux ont été sorti par les responsables communes rurales traversées par ce tronçon réhabilité de la RN 2. Les autorités locales deviennent actuellement prudentes dans l’octroi des autorisations pour construire. Les procédures de demande de construction sont maintenant connues au niveau des chefs quartiers.

La population et les riverains commencent à connaître les lois et les réglementations régissant les emprises. Les actions d’information et de sensibilisation menées durant le projet ont apporté de changements sur les comportements des riverains.
La pauvreté est cependant un facteur limitant dans les actions de sensibilisation. Les défavorisés refusent d’écouter et de collaborer si on touche à leurs activités de survie. Ils souhaitent des résultats rapides mais ne veulent pas fournir assez d’efforts pour améliorer leur condition de vie.

Toutefois il a été constaté que les responsables locaux ont des hésitations pour prendre une décision qui va à l’encontre de leurs administrés de peur de ne plus être réélu lors des prochaines élections. L’importance de l’enjeu politique est la cause de cette hésitation et entraîne souvent de retard sur la réponse des autorisations demandées par le projet auprès des communes et/ou de changement de décision. Cette attitude a eu des impacts au bon déroulement du projet et peut entraîner la non pérennisation des actions menées dans le cadre du projet.

La lenteur administrative des autorités locales perturbe la réalisation des activités du projet. Le manque de moyens de travail, le manque de personnel, ainsi que l'indisponibilité des personnes ressources (telles que les chefs de service, directeurs, responsables communaux, responsables techniques) peuvent expliquer cette lenteur qui est observée et vécue dans tous les services publics : service des domaines, mairies, services techniques, TP, etc.

Certains responsables n’arrivent pas à suivre le rythme de travail imposé par le projet notamment en termes de prise de décision, production d’arrêtés ou de notes, fourniture de services. De nombreuses personnes ressources font partie de ces responsables notamment au niveau des services publics. La volonté d'agir est limitée quelquefois par le manque de moyens à mettre en œuvre et par l'insuffisance des connaissances générales et techniques ou par manque d’intérêts au projet.

Les actions menées dans le cadre du projet nécessitent pourtant l’adhésion et la participation des Responsables communaux. Pour que les actions menées soient prises en compte par les communes, le calendrier du projet doit considérer la planification de développement mise en place par chaque commune.